" Le deviseur du monde "

Nouvelle de Chantal Robillard
mise en page Jean-Antoine Scarpa

 

Il était né le jour de la Saint-Hubert, alors, manque d’imagination ou amour du prénom tout de même, ses parents l’avaient appelé ainsi. Au village, on disait plus simplement Berto. Toute sa vie il avait voyagé, médité sur des paysages. D’un certain point de vue, il continue.

 

Il nous menait, en promenades dominicales, «voir le vaste monde», que ce soit aux sources secrètes de quelque rivière du Massif central ou sur les corniches de la Grande bleue. Par exemple, il nous faisait chercher, au soir, le rayon vert. Il nous disait, l’œil gourmand, qu’il l’avait vu une fois, après une longue traque, au large de Java. Nous, figés d’admiration, ne l’avions entr’aperçu que dans Jules Verne. Je soupçonnais quelque imposture : nous longions, sur le cap d’Antibes, certaine maison où ce Jules avait un peu vécu : le pépé Berto n’aurait-il pas tout pompé dans son livre ? C’est lui, d’ailleurs, grand dévoreur de livres, qui m’avait fait inscrire dans ma première bibliothèque, pénétrer dans ma première librairie, entrer à jamais dans l’univers de l’écrit.

 

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