Venise insolite (les détails opus 2)

Il gobo di Rialto

" ... caché parmi un fouillis de baraques et de caisses d'emballage, vous pouvez découvrir le Gobo du Rialto, une des figures les mieux connues de la Venise médiévale. Il est maintenant laissé à l'abandon sous un tas de boîtes et de vieux légumes : cette petite statue boiteuse en granit représente un homme soutenant une volée de marches et une colonne de marbre trapue. On avait coutume de le dire bossu, mais en réalité il est seulement courbé sous ses divers fardeaux car à la grande époque du Rialto ses responsabilités étaient lourdes.
C'est en effet sur son piédestal que les décrets de la République étaient promulgués, au temps où les lois de Venise étaient écrites dans le sang et appliquées par le feu.  Et c'est jusqu'à ses marches que les hommes condamnés pour des délits mineurs devaient ramper depuis la place Saint-Marc, poursuivis par une pluie de coups, jusqu'à ce qu'enfin, à bout de souffle, sanglants et humiliés, ils tombent vaincus devant ses pieds noueux et les baisent dans un sentiment de soulagement aveugle."

 

 

Le monument funéraire de l'amiral Marcantonio Bragadino, à Zanipolo

Bragadino fut un remarquable commandant vénitien qui défendit Famagusta pendant les guerres du XVIe siècle contre les Turcs. Il se montra compétant et courageux mais, au bout de plusieurs mois de siège, il fut obligé de se rendre. Le chef turc lui offrit des conditions honorables et Bragadino quitta la forteresse pour signer la reddition, vêtu de la robe pourpre de sa charge, accompagné par les officiers de son état-major et protégé du soleil par un grand parapluie rouge de cérémonie. Le pacha le reçut d'abord courtoisement. Mais tout à coup, au cours de la cérémonie, le turc se leva d'un bond, accusa Bragadino d'atrocités envers les prisonniers et ordonna que les officiers vénitiens soient massacrés sur place.Le sort de Bragadino, fut pire encore. A trois reprises, il fut sur le point d'être décapité et par un raffinement de cruauté, on ordonna au bourreau de s'arrêter. Son nez et ses oreilles furent coupés, son corps fut mutilé, et pendant 10 jours il fut, chaque matin, chargé de paniers de terre, conduit sur les fortifications turques et arrêter devant la tente du pacha où il devait baiser le sol. On le hissait à la vergue d'un navire et on le laissa se balancer là pendant des heures. Il souffrit toutes sortes de railleries sadiques et dégradantes.

 Finalement, il fut conduit sur la grande place de la ville, déshabillé, enchaîné à un pieu et écorché vif en présence du pacha. Sa peau fut empaillée et promenée dans les rues sur une vache, avec son parapluie rouge au-dessus de lui en signe de dérision. Et lorsque enfin le pacha regagna en triomphe la Corne d'Or, ce macabre trophée se balançait au beaupré du navire étendard.

La peau fut conservée à l'arsenal turque de Constantinople. Des années plus tard, les vénitiens la reprirent. 

On peut voir aujourd'hui au-dessous du buste de Bragadino une petite urne de pierre où sa peau jaunie et couturée repose, soigneusement pliée, comme un mouchoir dans un tiroir à linge.

Textes extrait du livre de James Moris "Visa pour Venise"

.En 1575 un esclave du nom de Gerolamo Polidoro s'empara de la dépouille qui se trouvait dans l'Arsenal de Constantinople et la rapporta à Venise. Il fut libéré grâce à l'argent des Bragadin et présenta le 1er décembre 1587 une supplique dans laquelle il demandait qu'en récompense lui soit versée une rente de 16 ducats mensuels. 
Le Sénat ne lui en accorda que 5

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