I merletti di Cenerentola

Chantal Robillard

 

D’un magasin minuscule, situé à un angle de rues frisquet dans l’ombre, sort une petite jeune fille en jean et tee-shirt indigo, un grand panier d’osier, qui semble lourd, sous le bras. I merletti di Cenerentola, annonce l’enseigne, au-dessus du rideau de fer qu’elle vient de rabaisser. Le magasin n’ouvrira qu’à neuf heures.

Elle se dirige à pas rapides à travers le marché aux fruits. Elle arrive sur le grand pont, dont les boutiques sont en train d’ouvrir. Malgré l’heure matinale, il est déjà envahi par deux troupes de Japonais et d’Allemands, fraîchement débarqués de leurs charters, qui bouchent le passage, se photographient à tour de bras, font le siège des marchands de gondoles en plastique, beuglent crescendo, chacun dans sa langue

La jeune fille se fraye un chemin, habituée à ces contretemps intempestifs. Elle est saluée par certains boutiquiers qu’elle connaît d’un retentissant « Ciao, Cenerentola », auquel elle répond d’un sourire, d’un signe de tête, ou d’un mot qui se perd dans les clameurs de la foule.

Commercer à Venise : vive Mercure ! Cris maximaux sur ses canaux en remous, sous ses voussures mousseuses, ocres ou Véronèse. Venise coriace en économie.
Arrivisme cru, avarice amère, misère mixés.

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