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Rosalba Carriera (1675 - 1757)

Chioggia, lundi 7 octobre 1675

Qui eut pensé que cet enfant qui vient de naître, fille d’Andrea CARRIERA de CONSTANTINO et d’ Alba di ANGELO FORESTI fréquenterait les cours d’Europe les plus élégantes, serait sollicitée par les plus grands - seigneurs vénitiens, princes allemands et danois, aristocrates français- et laisserait le souvenir, non seulement, d’une artiste au talent délicat et subtil, mais aussi d’une femme que la vie, malgré la gloire et la renommée, n’a pas vraiment épargnée.

La famille CARRIERA n’est pas aisée. Le père ,Andrea ,est fonctionnaire. La mère, Alba, est brodeuse. Mais, fait rare si l’on tient compte de leur milieu social, la musique, la poésie, la broderie bien sûr, et la peinture font partie du quotidien de Rosalba et de ses deux sœurs puinées : Giovanna et Angela. Un quotidien familial consacré essentiellement à ces activités couramment enseignées aux jeunes femmes du XVIIIe siècle auxquelles vient s’ajouter l’apprentissage de plusieurs langues modernes. Les sœurs CARRIERA débutent dans l’artisanat avant de devenir toutes trois artistes. Rosalba a 14 ans quand elle s’essaye à la peinture à l’huile mais il apparaît très vite qu’elle a une prédilection pour les sujets fins et délicats . Sous la houlette de Giuseppe DIAMANTINI (1621-1705), et plus que probablement sous celle de Jean STEVE, miniaturiste français vivant alors à Venise, elle se fait innovatrice et se lance dans la tempera sur ivoire.

La décoration de tabatières, objets très en vogue à cette époque lui apporte le succès .Les étrangers visitant Venise deviennent bientôt ses meilleurs clients.

Dès 1703, elle utilise le pastel , matière qui offre le grand avantage de pouvoir être travaillée rapidement et qu’elle apprivoise avec bonheur et talent. Elle produit bientôt des œuvres d’une rare virtuosité, peint directement sur le papier, sans dessin préparatoire, des portraits miniatures clairs , luminescents et faciles à emporter.
Malgré le succès naissant , elle continue de parfaire sa technique en nouant des relations fructueuses notamment avec Gian Antonio PELLEGRINI, celui-ci jouant un rôle de premier plan dans son évolution artistique : l’oeuvre de Rosalba est en effet marquée par la fluidité de son coup de pinceau et par son emploi d’un blanc très pur. Le mariage de PELLEGRINI et de Giovanna, la sœur de la portraitiste vient renforcer leurs liens professionnels.
En 1705, Rosalba présente à l ‘Académie de Saint-Luc ( à Rome) le portrait miniature de la Jeune fille à la Colombe et Carlo MARATTA, alors directeur de l’Académie, lui rend un vibrant hommage , la comparant à l’illustre maître bolonais du XVIIe siècle , Guido RENI .
 

Œuvres sur le site

Ca' Rezzonico

Où trouver ses œuvres  à Venise

Accademia

Ca' Rezzonico

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Première femme à être admise à l’Académie en qualité de membre, Rosalba CARRIERA voit se diffuser une renommée que n’arrêtent pas les frontières. Sa technique du pastel se prête admirablement à la représentation d’une société brillante et élégante et celle-ci affectionne particulièrement cette artiste si sensible à l’égard de la personnalité de ses modèles . La noblesse d’Europe a tôt fait de découvrir le chemin de son atelier installé, à présent à Venise.( Depuis 1700,elle habite, dans Dorsoduro , une maison en bordure du Grand Canal)

Ses portraits miniatures apportent à Rosalba un carnet de commandes internationales. Elle peint pour Christian COLE, secrétaire de l’ambassadeur anglais à Venise, pour le roi FREDERICK IV de Danemark à l’occasion de sa visite dans la lagune (Le souverain, amateur de musique italienne et de belles femmes emporte douze portraits de jolies vénitiennes peints à son intention ) et pour le duc de MECKLEMBOURG.
En 1706, on la retrouve en Allemagne à la Cour de Düsseldorf où l’a conviée Johann WILHEM von der PfALZE, électeur palatin., fervent protecteur des arts et mélomane averti et passionné.
Rosalba voyage à travers l’Europe. Sa sœur Giovanna et son mari l’accompagnent dans ces voyages qui leur permettent d’encore progresser professionnellement.

Son séjour à Paris ( 1720-1721) est le moment phare de sa carrière, grâce à des mécènes français rencontrés à Venise, dont le banquier et collectionneur Pierre CROZAT .Durant son année parisienne, le peintre parfait ses connaissances et ses techniques en étudiant d’importantes collections d’art mais aussi en rencontrant des artistes comme WATTEAU ( qui lui commandera un portrait), . Parmi ses mécènes figure aussi le jeune Louis XV. La renommée de l’artiste lui vaut l’entrée à l’Académie royale où elle présente le pastel Nymphe à la cour d’Apollo, objet d ‘éloges dans le Mercure d e France.
L’art très subtil de Rosalba conquiert le public parisien et influence le goût français au point que Maurice Quentin de la Tour se mettra lui aussi à travailler au pastel tandis que la suave palette de rose et de bleu de notre Vénitienne , laissera , elle, une trace marquante et remarquée dans les œuvres de Jean-Marc Natier (1685-1766) et François Boucher (1703-1770)

Bien sûr Rosalba continue de vivre à Venise mais elle entreprend cependant d’autres voyages, en compagnie des PELLEGRINI. Son succès est tel , à la cour d’Este et à Vienne qu’elle se voit confier la commande d’une quarantaine de pastels par le roi de Pologne.

Artiste accomplie, Rosalba CARRIERA n’aura guère trouvé le bonheur au cours de sa vie qui sera perturbée par plusieurs opérations oculaires et endeuillée par la mort de sa sœur Giovanna, emportée prématurément par la tuberculose (+1737) .

En 1746, elle doit arrêter de peindre, son regard s’éteint peu à peu jusqu’à l’enfermer dans une nuit qui l’amène doucement à la dépression et à la démence . Le vendredi 15 avril 1757,seule survivante d ‘une famille dont le nom, grâce à elle, restera dans l’Histoire artistique de la Sérénissime , Rosalba CARRIERA allume le silence en sa demeure dorsodurienne que caresse ,en passant, un Grand Canal indifférent.

Danielle